Elles s’appelaient presque pareil : Simone Veil (1927-2017) et Simone Weil (1909-1943). Toutes deux étaient françaises, juives, penseuses, écrivaines et femmes d’action. Elles venaient de la bourgeoisie et se sont battues pour la liberté de leurs semblables à partir de positions politiques très différentes: l’une était du centre-droit, l’autre venait de la gauche révolutionnaire. Le hasard a voulu que un grand film sur la vie de Veil (Simone, le voyage du siècle, Olivier Dahan), la femme qui était à Auschwitz et qui a obtenu, entre autres, le droit à l’avortement pour les femmes françaises, et un livre (Colonne, Adrien Bosc) qui reconstruit l’expérience de Weil dans la Guerre Civile Espagnole, sont parus la même année (2022).

Simone Veil a été l’une des figures les plus importantes de la politique française. Survivante de l’Holocauste, cette avocate née dans une famille juive est devenue un symbole de la lutte pour les droits des femmes en obtenant la légalisation de l’avortement en 1974 et la régularisation de l’utilisation des contraceptifs. Défenseure acharnée du vieux continent, elle fut la première femme présidente du Parlement Européen. Le film, le plus grand succès de l’année (2022) en France avec deux millions de spectateurs, retrace à travers plus de deux heures de tournage l’existence de Simone depuis qu’elle était une enfant heureuse avec ses parents et ses frères à Nice, en passant par les horribles images en noir et blanc du camp de concentration d’Auschwitz où elle est restée un an, à 16 ans, aux côtés de sa mère et de sa sœur, sa formation de magistrat, son travail de mère de trois enfants et tous les exploits politiques qu’elle a accomplis.

Pour Albert Camus, Simone Weil fut "le seul grand esprit de notre temps". De famille bourgeoise, cette brillante philosophe (entrée en 1928 à l’École Normale de Paris avec la note la plus élevée, la seconde étant Simone de Beauvoir) était convaincue que seule l’immersion dans le mode de vie de la classe ouvrière pouvait lui donner une véritable compréhension des besoins des opprimés, et elle travailla tant dans les usines qu’à la campagne. Weil a passé 45 jours dans la Guerre Civile Espagnole, où elle a assisté à un événement traumatisant : la fusillade d’un phalangiste de 15 ans qui, une fois capturé, n’a pas accepté de changer de camp, même après avoir entendu un discours de Durruti sur les bienfaits de l’anarchisme et de la cause républicaine. Après cet épisode, Weil se tourne vers le pacifisme et le mysticisme et elle arrive à une conclusion choquante : "Quand nous savons qu’il est possible de tuer sans risquer d’être punis ou condamnés, nous tuons".

Sans aucun doute deux femmes fondamentales du XXe siècle, avec des vies et des histoires complètement différentes mais tout aussi passionnantes, que nous pourrons connaître plus en profondeur grâce au livre (Colonne) et au film (Simone, le voyage du siècle) sur leurs vies.

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